Set It Off | La Bellevilloise | 19.11.14

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Après une mirifique exposition au Social Club, l’année dernière, et de multiples coups d’éclat ayant vu notamment passer Giraffage, Blackbird Blackbird et XXYYXX, Allo Floride remettait cette année la Set it Off à la Bellevilloise, et projetait par-là même une véritable troupe d’intervention: Craft Spells, Odesza, Lindsay Lowend, Blue Hawaii, Yung Gud et Slow Magic s'étaient entendus pour croiser le fer.

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Après un DJ set délicatement entreprenant d’une moitié du duo canadien de Blue Hawaii, Craft Spells, soit le seul groupe à guitare nommé sur l’affiche, s’installe sur la scène de la Bellevilloise.

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Seul nom en format groupe à l’affiche, le quatuor de Seattle enquille benoîtement une efficace somme de bluettes désabusées. Des morceaux qui actionnent la tête comme une pendule, de ces titres vaguement plaisants, faciles à retenir, qui caressent doucement les sens et provoquent le vague à l’âme. La plus-value live est inexistante, on trouve ici un rendu propre, dénué des appréciations de la scène, le tout ressemble et s’accouple parfaitement à l’expérience de l’album, mais ce n’est pas pour autant préjudiciable tant Craft Spells s’adopte et s’entend comme une entité propre à délivrer une multitude de moreaux à la mélancolie tranquille, à la prenante décontraction, à l’oubli facile, au sourire automatique. La setlist aura droit à un habile mélange entre le premier et le deuxième album, on trouvera notamment Party Talk, et un final bienheureux sur After The Moment. Justin Vallesteros, quant à lui, semblera souvent entre conviction et abandon, jacassant entre chaque morceau pour cerner au mieux un public pas forcément déridé par l’horaire précoce attribué aux américains.

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Lindsay Lowend enchaîne par la suite. Déjà aperçu en première partie du stylisé Giraffage, le jeune américain modifie ici sensiblement la teneur de son set, privilégiant le plus puissant et le plus bourrin, à savoir une ligne rythmique continue, malencontreusement surchargée d’inhabiles expressions. La musique de Lindsay Lowend semble s’étaler comme une espèce de boule chewing-gum géante qui viendrait aspirer tout volonté d’amour et de simplicité. Le tout est trop sucré, trop clinquant, peine dans la sobriété et l’exercice d’une véritable influence: tout est balancé sans ménagement, sans véritable espoir de convaincre, comme si tout était déjà fait, comme si le contrat était atteint avant même qu’il n’ait posé le doigt sur la platine. Le bonhomme se surexpose pourtant derrière son matériel : cette constante manie d’être agréablement surpris par ce qu’il joue, de mouliner des bras à chaque break et de sourire à chaque potard tourné rend le personnage attachant, en tout cas vivant, même si on se lasse vite du style un peu besogneux du bonhomme. Un set divertissant mais qui ne dépasse pas le cadre de l’amusante fanfaronnade.

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Yung Gud suit, on se trouve ici dans des landes beaucoup plus propices aux lourdes basses. Les visages se ferment, les mains se crispent au fond des poches et les démarches s’affermissent d’autant plus: le jeune producteur suédois balance sans peine une suite ininterrompue de justes découpes rythmiques où les basses s’arc-boutent les unes sur les autres et servent à merveille un rap de cave canaille. Yung Gud se place ici dans une très solide situation, alternant multiples remixes et titres originaux pour un set qui tiendra tout en longueur, à la mine dure et à l’odeur de brouillard.

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Odesza prend la relève. Le duo américain est attendu, la foule s’est clairement déplacée pour eux et elle le fait savoir: la salle est conquise avant même le début du set. Difficile donc d’en dire du mal, pourtant, nous n’avons pas été séduits. Odesza joue une musique tellement efficace qu’il en devient difficile de ressentir quelque chose. Trop lisse, trop positif, rien ne dépasse et tout déçoit progressivement. Cette musique n’est malheureusement que peu de fois capable de créer de véritables moments de grâce, d’intenses et pérennes façon de lever les yeux aux ciels. Tout reste malheureusement sur le même plan et peine à délivrer d’authentiques charges d’amours, de réelles passions: tout s’identifie à ces morceaux quelque peu quelconque, sans véritable référence. Le duo joue pourtant sa carte à fond et livre une prestation qui, visuellement, semble dire qu’ils sont là pour vaincre et renverser une audience de toute façon acquise à leur cause avant même le début de la soirée. Un set efficace, donc, les fans présents n’y trouvant rien à redire; on reste quant à nous sur notre faim.

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Au tour de Slow Magic de s’avancer sur scène et de conclure la soirée. La majorité de la foule s’étant déplacé pour Odesza, il reste une bonne quarantaine de personnes pour l’américain. Massé devant la scène, pas de surprise, le public accueillera les bras ouverts une massive dérouillée de l’homme masqué. Slow Magic dispose définitivement de quelque chose en plus, une présence, une énergie, un jeu de scène, un masque fluorescent, et, surtout, deux putains de toms basses qu’il tambourine à la perfection. Slow Magic, depuis la dernière fois qu’on l’a aperçu sur une scène, a considérablement amélioré son jeu de baguettes, et ne rencontre plus aucune difficulté pour faire basculer ses morceaux dans un délire percussif d’exception. Et c’est cela qui fait la différence, cette façon de faire vivre sa musique à travers ce tapage de fûts, cette vision chamanique et tribale de son art, tout ceci concourt à rendre l’événement mille fois plus passionnant qu’un simple gars trimant sur ses potards, le sourire ailleurs et la tronche dans les chaussettes. C’est donc ainsi que Slow Magic mènera la salle tout droit vers un état de bordel hautement appréciable, créant la surprise et levant le désir à quiconque se trouve en nage dans la salle. Le bonhomme enfilera les tubes comme des perles, et livrera sur un plateau d’or les meilleurs titres de son dernier album, plus quelques remix et autres passades du tout premier LP, telles que Feel Flows et, surtout, Corvette Cassette. Concert démentiel de l’américain, qui aura une nouvelle fois prouvé son sultanesque statut.

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Grosse soirée, donc, et même si quelques déceptions sont à signaler, la Set it Off, majoritairement pourvoyeuses d’artistes de qualité, semble être une soirée dont la signature s’installe progressivement à Paris, mais aussi en Europe. A quand la prochaine, c’est bien la question que nous nous posons !

Crédit photos: Cédric Oberlin
Crédit photos Slow Magic: Ben Lorph

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Slow Magic: http://www.slowmagicmusic.com/
Odesza: http://odesza.com/
Craft Spells: http://www.craftspells.com/
Blue Hawaii: https://soundcloud.com/bluehawaii
Yung Gud: https://soundcloud.com/gud-2
Lindsay Lowend: https://soundcloud.com/lindsay-lowend

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