Un Printemps de Bourges bientôt quadra

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Chaque année c’est le même rituel : le Printemps de Bourges inaugure la saison des grands festivals d’été, mélange de têtes d’affiches confirmées (Juliette Gréco, Arthur H, Stephan Eicher…) ou en devenir (Yael Naïm, Asaf Avidan…) et de découvertes. Un parti-pris assumé pour ce festival qui soufflera l’année prochaine ses 40 bougies.

Printemps de Bourges 2015

Et pour les festivaliers comme pour les journalistes, se pose toujours la difficile question du choix. Car à moins de se dédoubler, il est difficile de tout voir. Avec cette année une difficulté supplémentaire : un calendrier chamboulé par le pont du 1er mai. Habitué au rythme d’un marathon où il est nécessaire de commencer doucement pour s’arracher sur les derniers mètres, cette année le Printemps de Bourges débute un weekend avec dès le deuxième jour sa traditionnelle soirée Rock’n’beat Party (ou plutôt electro’n’beat party) sous le chapiteau du W jusqu’à 5 heures du matin.

De Vianney à Stephan Eicher, le Printemps de Bourges aime la langue française

Oubliée, donc, la traditionnelle montée en puissance de la programmation et place aux stars confirmées pour marquer le coup en 2015. Juliette Gréco est en tête, venue dire « merci » à son public fidèle pour une ultime tournée. Elle est aussi la vedette d’une exposition discographique qui lui est consacrée sur place. Et pendant ce temps là, le W accueille Angus & Julia Stone, Selah Sue, Brigitte et Vianney, premier par ordre chronologique à ouvrir les grandes scènes du Printemps de Bourges. Pas facile d’occuper l’espace d’un chapiteau qui peut accueillir jusqu’à 9000 personnes quand on est seul sur scène avec une guitare. Et pourtant Vianney, même pas peur, y arrive très bien. Il est vrai qu’avec 3 millions de vues de son titre Pas là sur Youtube, ça aide un peu.

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Le ton est donné, la chanson française et francophone est à l’honneur. Et ça n’est ni Arthur H, ni Stephan Eicher qui diront le contraire. Programmés l’un à la suite de l’autre au Palais d’Auron, ce sont deux univers différents qui se croisent. Veste à LED, costume argenté et caddy lumineux pour Arthur H versus un Stephan Eicher en costume trois pièces sobre, seul humain sur scène accompagné de ses musiciens automates.

C’est vrai que les suisses sont les champions toutes catégories des mouvements horlogers de précision. Mais pour Stephan Eicher, ça n’est pas qu’une histoire de tradition suisse, c’est surtout un retour aux origines de son travail. Beaucoup ne connaissent le chanteur que depuis son succès Déjeuner en paix en 1991, voire pour les plus âgés depuis Combien de temps en 1987. Mais c’est oublier un peu vite que Stephan Eicher est également à l’origine du groupe Grauzone en 1980, groupe de cold-wave-electro punk qu’il crée avec son frère. Bidouiller des lecteurs K7, des radios ou des ordinateurs pour en sortir des sons coupés au rasoir, il fait ça depuis qu’il est jeune. Il suffit d’écouter l’album Spielt Noise Boys, réédité chez Born Bad Records, pour s’en rendre compte. Sur la scène du Palais d’Auron, les automates sont un peu plus perfectionnés mais la démarche elle, est identique. Les tubes sont bien là mais réinterprétés spécialement par cet orchestre mécanique qui a tout du cabinet de curiosités. Et il y a aussi les nouvelles chansons écrites par Philippe Djian, comme Prisonnière ou Si tu veux que je chante , et qui pour l’instant sont exclusivement réservées à la scène.

Stephan Eicher est peut être un artiste discret mais il est aussi bavard. Il parle des smartphones et de leur utilisation quasi-sexuelle, ou de la disparition du papier. Il nous dit qu’il apprend le piano depuis peu et que ses chansons peuvent tenir sur deux octaves, pas plus. En même temps, cela suffit pour créer l’émotion et pour étouffer partiellement les basses qui s’échappent de la soirée reggae-funk au W avec Groundation, Deluxe et Chinese Man.

La colonie de vacances au printemps de Bourges…encore!

Image de La colonie de vacances au printemps de Bourges 2015

Si les Inouis du Printemps de Bourges 2015 n’ont pas encore commencé en cette fin de semaine, il est quand même possible de faire de belles découvertes. Et il faut parfois marcher un peu pour la mériter. Le Nadir, en partenariat avec Emmetrop, jusque là cantonné à la programmation Off du Printemps de Bourges, a réussi non sans mal à faire programmer pendant le festival La colonie de Vacances. Avec une jauge limitée à 160 personnes, le groupe, ou plutôt les 4 groupes, ont joué 2 concerts dans la même journée pour satisfaire à la demande. Belle performance et succès mérité pour les onze membres respectifs de Papier Tigre, Marvin, Electric Electric et Pneu. Car La colonie de vacances, c’est quatre groupes qui jouent ensemble sur quatre scènes avec le public placé au milieu, une expérience quadriphonique rock-punk-electro comme ils disent. Pour les spectateurs – car il s’agit bien d’un spectacle – une expérience unique d’1h30. Plus habitués à diriger leur regard et leurs oreilles dans une seule direction, ils doivent se tourner ou se déplacer pour profiter de tout et de tous, croisant souvent le regard des autres. Parfois les morceaux sont joués en même temps, parfois un groupe commence alors qu’un autre finit, parfois il n’y en a qu’un… Aucune limite et aucune cacophonie. Les musiciens s’accordent d’un simple regard. Un véritable moment de partage sur scène, dans et avec la salle. Pour ceux qui n’ont jamais vu La colonie de vacances, ne la ratez pas si l’occasion se présente !

Les pépites des scènes ouvertes au 22, quelques pépites avant le départ

Image de Botibol @Printemps de Bourges 2015 Pas facile de jouer en extérieur pour des groupes souvent plus habitués aux petites salles intimes qu’aux promeneurs avec poussette et chichis à la main. Mais c’est la dure loi du festival et des scènes gratuites de plein air. Face à cet exercice périlleux, Botibol, qui était déjà programmé en 2012 au 22, s’en est plutôt bien tiré. Membre de la team Animal Factory et des groupes Petit Fantôme et Crane Angels , le chanteur aux ongles vernis (main droite verte et main gauche rouge, comme sous les Kickers ?) s’éloigne de la folk de son premier album pour privilégier l’indie-rock des années 90 tendance US avec des titres de son deuxième album Murs blancs. On gagne en épaisseur, en réverbération et on est content.

Avec Forever Pavot, changement d’univers. Avec un nom pareil, on entrevoit d’entrée les références psychédéliques et on se demande s’il est encore possible d’innover dans le domaine, surtout quand on a les cheveux longs, ou tout du moins faire beau avec du vieux. Et bien oui, surtout si l’on ferme les yeux. On peut facilement retrouver des références aux musiques d’Ennio Morricone ou à la pop psyché des années 60, clavecin et flûte à l’appui, et se laisser porter à imaginer des scènes de films. Après tout, ça n’est pas la destination finale qui compte mais le voyage, et avec Forever Pavot, on peut partir en Inde, en Turquie, ou sur le tournage d’un western des années 70.

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Lundi. Premier jour des Inouïs du printemps de Bourges (et malheureusement dernier jour sur place). Et là encore une belle découverte : Bantam Lyons. Il faut quelques minutes au public pour passer de la pop ensoleillée et souriante de Rouge Congo qui jouait juste avant pour rentrer dans l’univers beaucoup plus sombre et introspectif de Bantam Lyons. Et pour le groupe quelques minutes pour être à l’aise. Le timing est donc parfait. Programmés aux Transmusicales de Rennes en 2014, ils ont déjà pas mal tournés en France et en Europe mais pour ceux qui aiment la noisy- shoegaze sombre incarnée, cela n’est pas encore assez. Si la voix du chanteur est parfois aigüe, elle peut aussi se faire grave et forte. De Mogwaï à Sigur Ros en passant par le foot, les influences sont nombreuses, et le mantra jamais très loin.

Un bilan ne peut se faire à mi-parcours, même si cette année le festival paraîssait coupé en deux. Mais c’est aussi ça le Printemps de Bourges, des surprises. On attend avec impatience de savoir ce que donnera le prochain millésime, une date anniversaire importante pour le festival qui soufflera ses 40 bougies et la première année sans Daniel Colling aux commandes.

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