Enablers + Fat Supper + La Secte du Futur | Le Petit Bain | 04.03.15

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Enablers vient juste de sortir un nouvel album – The Rightful Pivot – et venait bien évidemment le défendre dans la salle du Petit Bain: une localisation qui semblait idéale pour ce genre d'affiche – préparée par Mowno, trois groupes et un film au programme – et c’est sur cette agréable péniche que nous nous rendions afin de poser genou à terre en signe de total respect aux américains de San Fransisco.

enablers

Car Enablers, depuis cinq albums, enchaîne les coups d’éclats avec la grâce de la facilité. Comme l’évidence, les mélodies crépusculaires des deux guitares s’associent toujours pour doucement s’effacer dans l’ombre de l’obscurité: on retrouve ce son sur lequel une douce brise aurait soufflée une légère larme de chagrin, célébrant le poids de l’expérience et des jours qui s’amoncellent délicatement, ces mélodies qui amènent ces instants décisifs comme ces moments d’égarements.

C’est pour cela qu’Enablers sonne terriblement humain, par cette façon qu’ont les deux guitares d’entrelacer des atmospheres et des couleurs propres au clair-obscur, à ces sensations d’incertitudes, à cette lumière tremblotante qui se cache au fond de la nuit, sans jamais tomber dans la mièvre simplicité des peureux. Puisque lorsque le groupe se doit de faire front, il le fait avec la grande classe des seigneurs, de ceux dont la légende ne se modifie guère au cours des années et qui restera comme tel pour l’éternité. Des années qu’Enablers offre la vie sur un plateau lors de chacune de leurs prestations, celle-ci ne se déroulera pas autrement : de majestueuses envolées, une flamboyance innée, quelque chose de trouble, d’indicible et de proprement magnifique à voir, comme Simonelli qui se contorsionne comme un lézard et défie le public d’un regard de lion.

Plus apaisé, le dernier album aura part belle dans la setlist des américains, même si l’on verra pertinemment émerger certaines anciennes valeurs telles qu’Output Negative Space et Tundra à certains moments clés de la performance. Mais c’est principalement le rappel qui retiendra l’attention, avec un finish sur Enopolis, longue et paisible tirade à la fulgurante illumination de la taille d’un soleil qui peindra sur toutes les figures le sourire du bienheureux.

Juste avant cette messe d’une éclatante blancheur paradaient sur scène la Secte du Futur puis Fat Supper. Les premiers n’avaient pas l’air bien à l’aise : mollasse et passifs, ils balbutiaient leur riffaille et semblaient bien statiques; et c’est dommage, car on connait les qualités de chaude déraison qui se retrouvent sur les disques des parisiens. Même si le rendu s’est amélioré vers la fin, on regrettera une prestation un peu pâlotte : La Secte du Futur – qui s’est récemment réassemblé en quatuor – vaut certainement mieux que ça sur scène, nous en sommes convaincu.

Suivait Fat Supper, quatre rennais qui viennent juste de sortir leur nouvel album et qui déposaient leur classieuse mécanique entre les quatre murs de la péniche. Fat Supper dispose de cette science des groupes complexes, aux mélodies qui s’enroulent autour de rythmiques qui se chahutent: il m’apparaît toujours difficile de se plonger dans ce genre de groupe, mystérieux, habile et joueur, qui se paire petit à petit avec l’auditeur en demandant une maturation à l’attention particulière. Comme un vieil ami que l’on connaîtrait par cœur et depuis l’éternité mais qui n’aurait jamais dévoilé vraiment l’intimité de sa pensée et conserverait toujours une part de secret, Fat Supper exige d’être apprivoisé et ne se laisse pas facilement cerner. Autant de raisons qui laissent penser que le plaisir n’est jamais immédiat avec eux, et qu’il faut doucement se laisser couler à travers les étranges méandres de leur art par des écoutes répétées qui finiront par bel et bien offrir la clé.

Avant toute cette musique était prévu un film vendu comme un véritable documentaire sur les pratiques du DIY autour du monde, dans l’univers de la musique. On déchantera cependant fort rapidement à la vue d’un docu qui, certes, fait l’effort de rassembler de multiples témoignages de musiciens/producteurs différents de par le monde, mais ne dépassera jamais le cadre de la maigre projection d’épigraphes, paradant d’un sujet à l’autre sans profondément l’aborder et ne laissant au final qu’un pauvre goût d’inachevé. Le documentaire ressemble alors plus à clip d’une heure et quart qu’autre chose, presque esthétisé à outrance pour le propos ici tenu, et seuls les extraits de live parviendront à convaincre quand ils ne tomberont pas dans les travers contemporains des coups de caméras vifs et abrupts, qui aveuglent et brouillent l’ensemble du mouvement du premier coup d’œil.

Crédit photo: Marion Ruszniewski

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Enablers: http://enablerssf.com/
Fat Supper: http://fatsupper.bandcamp.com/
La Secte du Futur: http://lasectedufutur.bandcamp.com/album/greetings-from-youth

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