Après les best-sellers, les classiques, les blockbusters ou encore les polars, c’est aux faits divers que s’attaque la BD. On pourrait rouler les yeux face au recyclage permanent, voire automatique du 9ème art, qui passe parfois à côté de la force créatrice propre de son média. Pourtant, en exploitant l’un des faits les plus sordides du début du XXème siècle, Eddy Simon et Camille Benyamina signent une aventure complexe et présentent l’Histoire sous un jour nouveau.
Les amateurs de polars et d’anecdotes de la crim’ sont déjà bien familiers avec la parricide. Violette Nozière, fille d’un couple sans histoire, se rêve d’une vie loin des carcans du milieu populaire. Par facilité diront certains, par ingéniosité soulèveront d’autres, elle se laisse doucement sombrer dans une vie de vices où la manipulation chaperonne la prostitution. Le crime fait très vite suite aux larcins puisqu’elle tente l’assassinat de ses deux parents. L’affaire fait grand bruit dans la France des années 30 et marque les esprits par le contraste entre l’atrocité de l’acte et l’innocence apparente de l’accusée. À mille lieues des clichés de l’anthropométrie (discipline du début de siècle visant à déterminer un criminel d’après des mesures corporelles), Violette est un petit bout de femme de 19 ans, une enfant.
Avait-elle vraiment tout pour être heureuse ? Loin d’un plaidoyer visant à réhabiliter l’empoisonneuse, l’angle abordé par Simon et Benyamina est tout de même plus subtil que celui plus courant, du judiciaire. Le portrait pourrait presque être subjectif, tant le lecteur est invité à voir les choses à travers la psyché et le regard du personnage éponyme.
Ce n’est sans doute pas un hasard si Violette et sa dessinatrice ont toutes les deux des yeux mystérieux, un regard qui vous prend par le bas et arrive à lire en vous comme dans un livre ouvert. Si quelqu’un pouvait faire ressortir le morceau d’âme de la « monstrueuse enfant», il fallait que ce soit une main innocente comme celle de Camille. Après quelques collectifs et pour ce premier album, la jeune dessinatrice nous sert un coup de crayon digital aussi organique que le pastel, qui révèle les tréfonds des émotions de chacun ses personnages.
Le mélange de cet univers graphique, et du point de vue d’Eddy Simon, offre un savant mélange moderne et l’on espère que la résurrection de ce mythe macabre n’est que le premier opus d’une longue série de collaborations.
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En savoir +
Violette Nozière, Vilaine Chérie par Eddy Simon et Camille Benyamina
96p (dont un dossier photos de 6 pages), éditions Casterman, 20 euros.
http://camille-benyamina.fr/
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