Célèbre notamment pour ses films publicitaires (Where will life take you pour Vuitton, L’Odyssée pour Cartier) le réalisateur et plasticien présente jusqu’au 3 décembre une série de photographies réalisées dans les coulisses du fameux Bolshoï, théâtre légendaire de Moscou, lors des répétitions de l’opérette de Johann Strauss Die Fledermaus (La Chauve-Souris) en 2010, et une vidéo, Le Papillon, présentée sur quatre moniteurs.
L’effacement, la mémoire et le corps humain, thèmes privilégiés et récurrents dans l’œuvre de Bruno Aveillan, constituent le nerf de cette exposition, partagée entre images-fixes et images-mouvements.
La Chauve-souris
Scène symbolique internationale, le Bolshoï est la cible et la source de multiples fantasmes. Fermé pendant près de six années pour rénovation, le théâtre a rouvert ses portes en 2011. Bruno Aveillan, à travers ses œuvres photographiques réalisées l’année précédente la réouverture du lieu, y a extrait une essence, floue et pourtant pleine, incarnant sans les ceindre, rêves et visions attachés au lieu. L’artiste photographie un secret, conservant le mystère lié au lieu et à ses personnages, tout en dévoilant sa renaissance.
Troublantes, les photographies donnent à voir tantôt une main, tantôt une ombre ou un visage, ces allégories étant révélées dans un sfumato. Empreintes ou fantômes d’un lieu et d’un moment, celui qui les a relevées ou les a capturés donne l’impression de n’avoir pu approcher plus. Seul instant.
Les acteurs jouent, se réfléchissent, le temps glisse selon les règles du théâtre. La Clé, La Doyenne veillent, au centre de la série. Une main, sujet d’une photographie intitulée Quatre, montre quatre doigts d’une main. La pose nous montre-t-elle des doigts en pause ? Ou s’agit-il d’un compte ? Est-il à rebours ? Quatre temps. L’homme à qui appartiennent ces doigts prépare-t-il son entrée sur scène ? La Cuisine, marque triviale qui rappelle l’humanité du lieu, devient sous l’oeil de l’artiste tout aussi fantastique que l’ensemble.
Bruno Aveillan nous emmène aux frontières de l’homme, ce moment transcendant où il devient l’acteur d’autre chose que lui même. La répétition constitue ce moment spécial, pendant lequel s’opère une métamorphose, générée par de perpétuels aller-retour entre jeu et réalité.
Le Papillon
Depuis la vitrine de la galerie, à l’image de l’homme et de l’acteur pris dans un entre-deux, le passant est sollicité par trois moniteurs tournés vers la rue — vers lui — et est ainsi invité à entrer dans l’espace d’exposition, et devenir ainsi regardeur - actif. Le Papillon, vidéo de 5’18 minutes, met en scène un nageur… qui nage. La brasse papillon. Sans cesse. Sans limites. Et sans but. Parfaitement symétrique, sur un rythme constant, le nageur entre et sort de l’eau.
Pris dans une mécanique, celle d’une renaissance symbolique et cyclique, les mouvements du corps et de l’eau sont fluides, et viennent bien soutenir l’idée d’un temps rond, qui rappelle celui des photographies dans lesquelles la forme aérienne enveloppe et rend vaporeux, glissants, les corps à deviner.
L’eau contient le nageur, et le flou les fantasmes.
Paradoxalement l’image-mouvement vient détailler précisément et méticuleusement chaque élément de son sujet, le corps du nageur et l’eau, là où l’image-fixe (les photographies) vient figer l’insaisissable ou plutôt ne le peut pas. La vidéo vient compenser, nourrir un appétit de « réel », excité par l’onirisme des images du Bolshoï, tout en restant dans la dimension poétique.
Concentré sur les hors-champs, Bruno Aveillan met ici en lumière des images-visions, qui viennent résonner dans l’espace d’exposition et situer l’exposition même entre réminiscence et renaissance.
Bruno Aveillan – Bolshoï Underground
Galerie Spree, 11 rue Lavieuville,
75018 Paris
Site officiel : http://galeriespree.com/
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