Poppy Z. Brite aime Rickey et G-Man depuis très longtemps (ils étaient déjà dans Petite cuisine du diable !) et cette trilogie culinaire dont ils sont les héros n’est pas seulement un bonheur pour son auteur. C’est aussi et avant tout, un pur bonheur de lecteur.
Rickey la grande-gueule et G-Man le cool guy ont donc ouvert leur restaurant Alcool grâce aux largesses de Lenny Duvetaux, une ex-star du rock qui sait faire fructifier son argent dans le domaine culinaire. Les sales histoires qui ont failli leur coûter la vie dans lepremier volume semblent bien loin et le couple jouit d’une bonne réputation, une clientèle toujours grandissante… Rien de mieux pour attiser certaines jalousies et exciter la plume de critiques jamais contents. Mais quand le critique se trouve être le fils du Gouverneur qui tente de faire tomber Lenny Duvetaux par tous les moyens, et ce, depuis de nombreuses années, quand l’avocat de ce même Lenny Duveteaux brigue ce même poste de Gouverneur, le hasard parait un peu trop commode.
Dans le même temps, Rickey reçoit une proposition difficile à refuser: aller redresser un restau à Dallas dans lequel le commanditaire a investi beaucoup d’argent, mais qui ne décolle pas. Problème qu’ignore le commanditaire : le Chef de cuisine n’est autre que l’unique tromperie de jeunesse de Rickey alors qu’il était déjà avec G-Man… Un truc dont il n’est vraiment pas fier et qu’il n’a jamais avoué. Alors, y aller quand même pour empocher la somme rondelette promise et revoir le maudit souvenir tentateur ? Laisser G-Man alors que c’est un sacré bordel avec l’inculpation de Lenny ?
Dans La Belle Rouge, l’intrigue politique se révèle sacrément branlante et ne cache pas longtemps le véritable enjeu du deuxième volet de la trilogie culinaire de Poppy Z. Brite : la cuisine (mais en mettant la dimension spiritueuse en sourdine) et la relation de couple de Rickey et G-Man. Ce couple uni par l’amour de la bouffe et l’amour tout court depuis des années, fidèle, ne pouvant vivre l’un sans l’autre, affronte sa première séparation imposée depuis le début de leur vie ensemble et se retrouve soudain exposé à des tentations aussi réelles que déroutantes ! Car G-Man séparé de son acolyte, s’il ne drague pas, se retrouve dans la position du dragué en la personne d’une taupe bossant pour le Gouverneur de la Nouvelle-Orléans !
Poppy Z. Brite toujours aussi excellente pour les dialogues et la peinture de personnages hauts en couleur n’a cependant pas encore comblé ses lacunes en termes de structure narrative. Ainsi quand elle répète plus de cinq fois que G-Man ne peut joindre Rickey à Dallas parce qu’il a jeté son portable à la mer alors que c’est ce qui ouvre le premier chapitre, on se demande si elle prend son lecteur pour un assisté ou si elle a écrit sans se relire. Et il est comme d’habitude inutile de chercher chez elle le goût de la phrase bien construite et balancée… Elle fait dans l’efficace, parfois trop efficace.
Mais peu importe, sa trilogie culinaire fonctionne à plein régime et parvient à faire oublier que longtemps, elle s’est cantonnée au roman horrifique de série Z. Assez pour qu’on attende de pied ferme le prochain et dernier volet de cette série de fourchettes.
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La Belle Rouge, Poppy Z. Brite, Au Diable Vauvert, 2009 (2005 pour l’édition originale), 489 pages - Traduit de l’américain par Morgane Saysana
Site de Poppy Z. Brite: http://www.poppyzbrite.com/
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